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𝑷𝒐𝒓𝒕𝒆𝒓𝒊𝒆𝒛-𝒗𝒐𝒖𝒔 𝒍𝒆 𝒉𝒂𝒓𝒏𝒂𝒊𝒔 𝒅𝒆 𝒗𝒐𝒕𝒓𝒆 𝒄𝒉𝒊𝒆𝒏 ? 𝐸𝑡 𝑠𝑖 𝑙𝑒 𝑑𝑒𝑠𝑖𝑔𝑛 𝑎𝑣𝑎𝑖𝑡 𝑜𝑢𝑏𝑙𝑖𝑒́... 𝑢𝑛 𝑢𝑡𝑖𝑙𝑖𝑠𝑎𝑡𝑒𝑢𝑟 ?

22 Octobre 2025

Ce type d'harnais est peu ergonomique pour le chien : il peut générer des pressions désagréables (notamment sur la trachée et les épaules) et être retiré aisément par l'animal s'il recule ou tire fortement.



Bienvenue sur le premier article de mon blog dédié à l'Animal-Centred Design (ACD). J'y explorerai, analyserai et questionnerai les enjeux du design et de l'innovation dans le champ de l'animal de compagnie. Ma démarche se concentrera sur le chien et le monde canin, couvrant des contextes variés : de l'espace domestique à l'environnement urbain.


Porteriez-vous le harnais de votre chien ? Cette question, qui peut paraître triviale, est révélatrice d’un manque méthodologique récurrent dans l'approche par le design incluant le vivant : alors que la communauté du design centré utilisateur ne cesse de se focaliser sur l'inclusion et l'accessibilité, nos efforts s'arrêtent trop souvent à la frontière de l'espèce humaine.


Cet article prend le cas concret du harnais pour illustrer l'intérêt d'adopter l'ACD, une approche scientifique et éthique indispensable qui corrige cet anthropocentrisme structurel en intégrant l'animal comme utilisateur central du vivant.

« Nos efforts s'arrêtent trop souvent à la frontière

de l'espèce humaine. »


Le biais du pour : a-t-on réellement pensé

l'expérience de l'animal ?

Un collier pour chien, un panier pour chat : la plupart des produits disponibles sur le marché à destination de nos animaux sont estampillés « pour ». Ce terme sous-entendrait que l’objet est à destination de l’animal, au sens d’avoir été spécifiquement conçu pour celui-ci. Or, dans les faits, de nombreux objets et services se révèlent être des projections de nos besoins, conçus pour satisfaire l'humain qui détient l’animal (esthétique, contraintes logistiques) au détriment de l'expérience vécue par ce dernier. Après tout, un collier électrique n'est-il pas, lui aussi, un objet 𝒑𝒐𝒖𝒓 chien ?


De fait, l’étiquette pour animaux crée un biais (positive attribute framing — Levin & Gaeth, 1988) pour le gardien. Elle influence favorablement l'attitude du consommateur en l'ancrant sur un attribut de sécurité, ce qui facilite et justifie l’achat. Le gardien est rassuré, persuadé de se doter d’un équipement performant, sans suspecter le potentiel impact néfaste sur le bien-être de son animal. 


Ce constat est particulièrement marqué dans le contexte de l’animal de compagnie où, par principe, l’objet ou le service va avoir deux utilisateurs — le binôme humain-animal — mais un acheteur unique : l’utilisateur humain. Ainsi, dans cette dynamique asymétrique, le besoin de l’animal est structurellement désavantagé : l'objet est conçu pour l'achat, et non pour son éthologie ni pour son usage réel.



LE harnais : exemple d'un objet du quotidien (pas toujours) pour chien

En tant qu’humains, il ne nous viendrait pas à l’idée de choisir des chaussures quotidiennes inconfortables, présentant une gêne lors de la marche. Pour cause ! Le choix d’un équipement n’est pas qu’un acte esthétique, c’est une décision complexe résultant de nos paramètres personnels (confort, prix, durabilité, modularité, etc). Il en va de même pour le harnais du chien : son choix devrait toujours intégrer son éthologie, sa morphologie spécifique et la dynamique de son mouvement en découlant.


Pourtant, de nombreux harnais populaires, souvent choisis uniquement sur la base de leur prix ou de leur apparence, imposent des contraintes physiques aux chiens. Ces modèles mal conçus peuvent nuire à la mobilité et au confort de l’animal : contrainte d’extension, dommages physiques, apparition de comportements indésirables de la part de l’animal, etc. (cf. Références bibliographiques). 

De plus, le harnais est un objet complexe puisqu’il peut avoir deux utilisateurs simultanés, de deux espèces différentes : notre binôme humain-chien. En ce sens, si le chien est l’utilisateur principal de l’objet, puisqu’il en est le porteur, l’humain en est un usager secondaire (lorsqu’il doit équiper son animal ou, à travers la laisse, quand il le promène). Ainsi, les besoins et paramètres techniques s’entrecroisent : la question n’est plus de savoir si le harnais est beau, mais si son design permet une collaboration éthique et fluide entre un humain et son chien ?

Les enjeux de conception se complexifient d'autant plus qu'il conviendrait de créer et de proposer des harnais adaptés à une multitude de morphologies et de besoins (tailles, races, activités, type d’habitation, animal vieillissant, etc.).


Malheureusement, dans l'existant actuel, le choix est encore restreint, l'achat tourné vers le bénéfice économique et le public largement sous-informé.

Les harnais de type traction, comme les harnais de traîneau ou de cani-cross, sont conçus spécifiquement pour le sport. Leur design vise à répartir la charge, absorber les chocs et optimiser la traction. Vigilance cependant : comme pour les harnais de promenade, il faut veiller à choisir l'équipement adapté à son animal.


L’animal-centred-design permet d’harmoniser les besoins d’un binôme humain-chien sur des bases objectives.



Animal-Centred Design (ACD) : concevoir avec l’animal

L'Animal-Centred Design (ACD) est la démarche qui offre cet appui scientifique et éthique dans le domaine de la conception. Théorisé par la Pr Clara Mancini à travers les travaux sur l'Animal-Computer Interaction (ACI), l'ACD est l'application concrète des outils du design au service de la cognition, du bien-être animal et des enjeux multispécifiques. 


En pratique, l’animal-centred designer mobilise la rigueur scientifique (sciences de l’animal) pour créer des produits et services qui considèrent l’animal comme un acteur à part entière. Loin d’une simple bonne intention, il s’agit d’une méthodologie d’empathie scientifique, où l’on va retrouver des outils clés tels que les personæ (Mancini, 2014).


Cette approche, ou boussole éthique, permet de s’intéresser à des questions transverses, du harnais à la conception de politiques intégrant le chien, en harmonisant les besoins du binôme humain-animal sur des bases objectives.



CONCLUSION

Ici se dessine le rôle de l’animal-centred designer : apporter une réponse méthodologique et structurée au besoin existant d’intégrer le chien dans nos écosystèmes. Ceci, en éclairant les acteurs d'un secteur qui méconnaît encore le potentiel d'innovation et de résultats d'une conception menée par le design. Adopter cette approche, c’est l'opportunité de passer du produit pour à l'expérience avec, et ainsi, de tenir réellement compte de l’utilisateur animal, vers une nouvelle génération d’objets et de services.

Références bibliographiques

• Blake, S., Williams, R., & Ferro de Godoy, R. (2019). A systematic review of the biomechanical effects of harness and head-collar use in dogs. bioRxiv. [Article non publié, prépublication].


• Lafuente, M. P., Sampedro, M. F., Armengou, L. V., & Padró, G. C. (2018). Effects of restrictive and non-restrictive harnesses on shoulder extension in dogs at walk and trot. The Veterinary Record, 182(10), 284.


• Levin, I. P., & Gaeth, G. J. (1988). How consumers are affected by the framing of attribute information before and after consuming the product. Journal of Consumer Research, 15(3), 374–378.


• Mancini, C. (s. d.). Animal-Computer Interaction Lab. The Open University. Consulté le 20 octobre 2025 à l'adresse : https://www.open.ac.uk/blogs/ACI/


• Robinson, C., Mancini, C., van der Linden, J., Swanson, L., & Guest, C. (2014). Exploring the use of personas for designing with dogs. In ACI 2014: Pushing Boundaries Beyond ‘Human’. Helsinki.


• Williams, E., Hunton, V., Boyd, J., & Carter, A. (2023). Effect of harness design on the biomechanics of domestic dogs (Canis lupus familiaris). Journal of Applied Animal Welfare Science. https://doi.org/10.1080/10888705.2023.2259796

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𝑷𝒐𝒓𝒕𝒆𝒓𝒊𝒆𝒛-𝒗𝒐𝒖𝒔 𝒍𝒆 𝒉𝒂𝒓𝒏𝒂𝒊𝒔 𝒅𝒆 𝒗𝒐𝒕𝒓𝒆 𝒄𝒉𝒊𝒆𝒏 ? 𝐸𝑡 𝑠𝑖 𝑙𝑒 𝑑𝑒𝑠𝑖𝑔𝑛 𝑎𝑣𝑎𝑖𝑡 𝑜𝑢𝑏𝑙𝑖𝑒́... 𝑢𝑛 𝑢𝑡𝑖𝑙𝑖𝑠𝑎𝑡𝑒𝑢𝑟 ?

22 Octobre 2025

Ce type d'harnais est peu ergonomique pour le chien : il peut générer des pressions désagréables (notamment sur la trachée et les épaules) et être retiré aisément par l'animal s'il recule ou tire fortement.



Bienvenue sur le premier article de mon blog dédié à l'Animal-Centred Design (ACD). J'y explorerai, analyserai et questionnerai les enjeux du design et de l'innovation dans le champ de l'animal de compagnie. Ma démarche se concentrera sur le chien et le monde canin, couvrant des contextes variés : de l'espace domestique à l'environnement urbain.


Porteriez-vous le harnais de votre chien ? Cette question, qui peut paraître triviale, est révélatrice d’un manque méthodologique récurrent dans l'approche par le design incluant le vivant : alors que la communauté du design centré utilisateur ne cesse de se focaliser sur l'inclusion et l'accessibilité, nos efforts s'arrêtent trop souvent à la frontière de l'espèce humaine.


Cet article prend le cas concret du harnais pour illustrer l'intérêt d'adopter l'ACD, une approche scientifique et éthique indispensable qui corrige cet anthropocentrisme structurel en intégrant l'animal comme utilisateur central du vivant.

« Nos efforts s'arrêtent trop souvent à la frontière

de l'espèce humaine. »



Le biais du pour : a-t-on réellement pensé

l'expérience de l'animal ?

Un collier pour chien, un panier pour chat : la plupart des produits disponibles sur le marché à destination de nos animaux sont estampillés « pour ». Ce terme sous-entendrait que l’objet est à destination de l’animal, au sens d’avoir été spécifiquement conçu pour celui-ci. Or, dans les faits, de nombreux objets et services se révèlent être des projections de nos besoins, conçus pour satisfaire l'humain qui détient l’animal (esthétique, contraintes logistiques) au détriment de l'expérience vécue par ce dernier. Après tout, un collier électrique n'est-il pas, lui aussi, un objet 𝒑𝒐𝒖𝒓 chien ?


De fait, l’étiquette pour animaux crée un biais (positive attribute framing — Levin & Gaeth, 1988) pour le gardien. Elle influence favorablement l'attitude du consommateur en l'ancrant sur un attribut de sécurité, ce qui facilite et justifie l’achat. Le gardien est rassuré, persuadé de se doter d’un équipement performant, sans suspecter le potentiel impact néfaste sur le bien-être de son animal. 


Ce constat est particulièrement marqué dans le contexte de l’animal de compagnie où, par principe, l’objet ou le service va avoir deux utilisateurs — le binôme humain-animal — mais un acheteur unique : l’utilisateur humain. Ainsi, dans cette dynamique asymétrique, le besoin de l’animal est structurellement désavantagé : l'objet est conçu pour l'achat, et non pour son éthologie ni pour son usage réel.



LE harnais : exemple d'un objet du quotidien (pas toujours) pour chien

En tant qu’humains, il ne nous viendrait pas à l’idée de choisir des chaussures quotidiennes inconfortables, présentant une gêne lors de la marche. Pour cause ! Le choix d’un équipement n’est pas qu’un acte esthétique, c’est une décision complexe résultant de nos paramètres personnels (confort, prix, durabilité, modularité, etc). Il en va de même pour le harnais du chien : son choix devrait toujours intégrer son éthologie, sa morphologie spécifique et la dynamique de son mouvement en découlant.


Pourtant, de nombreux harnais populaires, souvent choisis uniquement sur la base de leur prix ou de leur apparence, imposent des contraintes physiques aux chiens. Ces modèles mal conçus peuvent nuire à la mobilité et au confort de l’animal : contrainte d’extension, dommages physiques, apparition de comportements indésirables de la part de l’animal, etc. (cf. Références bibliographiques). 

De plus, le harnais est un objet complexe puisqu’il peut avoir deux utilisateurs simultanés, de deux espèces différentes : notre binôme humain-chien. En ce sens, si le chien est l’utilisateur principal de l’objet, puisqu’il en est le porteur, l’humain en est un usager secondaire (lorsqu’il doit équiper son animal ou, à travers la laisse, quand il le promène). Ainsi, les besoins et paramètres techniques s’entrecroisent : la question n’est plus de savoir si le harnais est beau, mais si son design permet une collaboration éthique et fluide entre un humain et son chien ?

Les enjeux de conception se complexifient d'autant plus qu'il conviendrait de créer et de proposer des harnais adaptés à une multitude de morphologies et de besoins (tailles, races, activités, type d’habitation, animal vieillissant, etc.).


Malheureusement, dans l'existant actuel, le choix est encore restreint, l'achat tourné vers le bénéfice économique et le public largement sous-informé.

Les harnais de type traction, comme les harnais de traîneau ou de cani-cross, sont conçus spécifiquement pour le sport. Leur design vise à répartir la charge, absorber les chocs et optimiser la traction. Vigilance cependant : comme pour les harnais de promenade, il faut veiller à choisir l'équipement adapté à son animal.


L’animal-centred-design permet d’harmoniser les besoins d’un binôme humain-chien sur des bases objectives.



Animal-Centred Design (ACD) : concevoir avec l’animal

L'Animal-Centred Design (ACD) est la démarche qui offre cet appui scientifique et éthique dans le domaine de la conception. Théorisé par la Pr Clara Mancini à travers les travaux sur l'Animal-Computer Interaction (ACI), l'ACD est l'application concrète des outils du design au service de la cognition, du bien-être animal et des enjeux multispécifiques. 


En pratique, l’animal-centred designer mobilise la rigueur scientifique (sciences de l’animal) pour créer des produits et services qui considèrent l’animal comme un acteur à part entière. Loin d’une simple bonne intention, il s’agit d’une méthodologie d’empathie scientifique, où l’on va retrouver des outils clés tels que les personæ (Mancini, 2014).


Cette approche, ou boussole éthique, permet de s’intéresser à des questions transverses, du harnais à la conception de politiques intégrant le chien, en harmonisant les besoins du binôme humain-animal sur des bases objectives.



CONCLUSION

Ici se dessine le rôle de l’animal-centred designer : apporter une réponse méthodologique et structurée au besoin existant d’intégrer le chien dans nos écosystèmes. Ceci, en éclairant les acteurs d'un secteur qui méconnaît encore le potentiel d'innovation et de résultats d'une conception menée par le design. Adopter cette approche, c’est l'opportunité de passer du produit pour à l'expérience avec, et ainsi, de tenir réellement compte de l’utilisateur animal, vers une nouvelle génération d’objets et de services.

Références bibliographiques

• Blake, S., Williams, R., & Ferro de Godoy, R. (2019). A systematic review of the biomechanical effects of harness and head-collar use in dogs. bioRxiv. [Article non publié, prépublication].


• Lafuente, M. P., Sampedro, M. F., Armengou, L. V., & Padró, G. C. (2018). Effects of restrictive and non-restrictive harnesses on shoulder extension in dogs at walk and trot. The Veterinary Record, 182(10), 284.


• Levin, I. P., & Gaeth, G. J. (1988). How consumers are affected by the framing of attribute information before and after consuming the product. Journal of Consumer Research, 15(3), 374–378.


• Mancini, C. (s. d.). Animal-Computer Interaction Lab. The Open University. Consulté le 20 octobre 2025 à l'adresse : https://www.open.ac.uk/blogs/ACI/


• Robinson, C., Mancini, C., van der Linden, J., Swanson, L., & Guest, C. (2014). Exploring the use of personas for designing with dogs. In ACI 2014: Pushing Boundaries Beyond ‘Human’. Helsinki.


• Williams, E., Hunton, V., Boyd, J., & Carter, A. (2023). Effect of harness design on the biomechanics of domestic dogs (Canis lupus familiaris). Journal of Applied Animal Welfare Science. https://doi.org/10.1080/10888705.2023.2259796

Technology

𝑷𝒐𝒓𝒕𝒆𝒓𝒊𝒆𝒛-𝒗𝒐𝒖𝒔 𝒍𝒆 𝒉𝒂𝒓𝒏𝒂𝒊𝒔 𝒅𝒆 𝒗𝒐𝒕𝒓𝒆 𝒄𝒉𝒊𝒆𝒏 ? 𝐸𝑡 𝑠𝑖 𝑙𝑒 𝑑𝑒𝑠𝑖𝑔𝑛 𝑎𝑣𝑎𝑖𝑡 𝑜𝑢𝑏𝑙𝑖𝑒́... 𝑢𝑛 𝑢𝑡𝑖𝑙𝑖𝑠𝑎𝑡𝑒𝑢𝑟 ?

22 Octobre 2025

Ce type d'harnais est peu ergonomique pour le chien : il peut générer des pressions désagréables (notamment sur la trachée et les épaules) et être retiré aisément par l'animal s'il recule ou tire fortement.



Bienvenue sur le premier article de mon blog dédié à l'Animal-Centred Design (ACD). J'y explorerai, analyserai et questionnerai les enjeux du design et de l'innovation dans le champ de l'animal de compagnie. Ma démarche se concentrera sur le chien et le monde canin, couvrant des contextes variés : de l'espace domestique à l'environnement urbain.


Porteriez-vous le harnais de votre chien ? Cette question, qui peut paraître triviale, est révélatrice d’un manque méthodologique récurrent dans l'approche par le design incluant le vivant : alors que la communauté du design centré utilisateur ne cesse de se focaliser sur l'inclusion et l'accessibilité, nos efforts s'arrêtent trop souvent à la frontière de l'espèce humaine.


Cet article prend le cas concret du harnais pour illustrer l'intérêt d'adopter l'ACD, une approche scientifique et éthique indispensable qui corrige cet anthropocentrisme structurel en intégrant l'animal comme utilisateur central du vivant.

« Nos efforts s'arrêtent trop souvent à la frontière

de l'espèce humaine. »



Le biais du pour : a-t-on réellement pensé l'expérience de l'animal ?

Un collier pour chien, un panier pour chat : la plupart des produits disponibles sur le marché à destination de nos animaux sont estampillés « pour ». Ce terme sous-entendrait que l’objet est à destination de l’animal, au sens d’avoir été spécifiquement conçu pour celui-ci. Or, dans les faits, de nombreux objets et services se révèlent être des projections de nos besoins, conçus pour satisfaire l'humain qui détient l’animal (esthétique, contraintes logistiques) au détriment de l'expérience vécue par ce dernier. Après tout, un collier électrique n'est-il pas, lui aussi, un objet 𝒑𝒐𝒖𝒓 chien ?


De fait, l’étiquette pour animaux crée un biais (positive attribute framing — Levin & Gaeth, 1988) pour le gardien. Elle influence favorablement l'attitude du consommateur en l'ancrant sur un attribut de sécurité, ce qui facilite et justifie l’achat. Le gardien est rassuré, persuadé de se doter d’un équipement performant, sans suspecter le potentiel impact néfaste sur le bien-être de son animal. 


Ce constat est particulièrement marqué dans le contexte de l’animal de compagnie où, par principe, l’objet ou le service va avoir deux utilisateurs — le binôme humain-animal — mais un acheteur unique : l’utilisateur humain. Ainsi, dans cette dynamique asymétrique, le besoin de l’animal est structurellement désavantagé : l'objet est conçu pour l'achat, et non pour son éthologie ni pour son usage réel.



LE harnais : exemple d'un objet du quotidien (pas toujours) pour chien

En tant qu’humains, il ne nous viendrait pas à l’idée de choisir des chaussures quotidiennes inconfortables, présentant une gêne lors de la marche. Pour cause ! Le choix d’un équipement n’est pas qu’un acte esthétique, c’est une décision complexe résultant de nos paramètres personnels (confort, prix, durabilité, modularité, etc). Il en va de même pour le harnais du chien : son choix devrait toujours intégrer son éthologie, sa morphologie spécifique et la dynamique de son mouvement en découlant.


Pourtant, de nombreux harnais populaires, souvent choisis uniquement sur la base de leur prix ou de leur apparence, imposent des contraintes physiques aux chiens. Ces modèles mal conçus peuvent nuire à la mobilité et au confort de l’animal : contrainte d’extension, dommages physiques, apparition de comportements indésirables de la part de l’animal, etc. (cf. Références bibliographiques). 

De plus, le harnais est un objet complexe puisqu’il peut avoir deux utilisateurs simultanés, de deux espèces différentes : notre binôme humain-chien. En ce sens, si le chien est l’utilisateur principal de l’objet, puisqu’il en est le porteur, l’humain en est un usager secondaire (lorsqu’il doit équiper son animal ou, à travers la laisse, quand il le promène). Ainsi, les besoins et paramètres techniques s’entrecroisent : la question n’est plus de savoir si le harnais est beau, mais si son design permet une collaboration éthique et fluide entre un humain et son chien ?

Les enjeux de conception se complexifient d'autant plus qu'il conviendrait de créer et de proposer des harnais adaptés à une multitude de morphologies et de besoins (tailles, races, activités, type d’habitation, animal vieillissant, etc.).


Malheureusement, dans l'existant actuel, le choix est encore restreint, l'achat tourné vers le bénéfice économique et le public largement sous-informé.

Les harnais de type traction, comme les harnais de traîneau ou de cani-cross, sont conçus spécifiquement pour le sport. Leur design vise à répartir la charge, absorber les chocs et optimiser la traction. Vigilance cependant : comme pour les harnais de promenade, il faut veiller à choisir l'équipement adapté à son animal.


L’animal-centred design permet d’harmoniser les besoins d’un binôme humain-chien sur des bases objectives.



Animal-Centred Design (ACD) : concevoir avec l’animal

L'Animal-Centred Design (ACD) est la démarche qui offre cet appui scientifique et éthique dans le domaine de la conception. Théorisé par la Pr Clara Mancini à travers les travaux sur l'Animal-Computer Interaction (ACI), l'ACD est l'application concrète des outils du design au service de la cognition, du bien-être animal et des enjeux multispécifiques. 


En pratique, l’animal-centred designer mobilise la rigueur scientifique (sciences de l’animal) pour créer des produits et services qui considèrent l’animal comme un acteur à part entière. Loin d’une simple bonne intention, il s’agit d’une méthodologie d’empathie scientifique, où l’on va retrouver des outils clés tels que les personæ (Mancini, 2014).


Cette approche, ou boussole éthique, permet de s’intéresser à des questions transverses, du harnais à la conception de politiques intégrant le chien, en harmonisant les besoins du binôme humain-animal sur des bases objectives.



CONCLUSION

Ici se dessine le rôle de l’animal-centred designer : apporter une réponse méthodologique et structurée au besoin existant d’intégrer le chien dans nos écosystèmes. Ceci, en éclairant les acteurs d'un secteur qui méconnaît encore le potentiel d'innovation et de résultats d'une conception menée par le design. Adopter cette approche, c’est l'opportunité de passer du produit pour à l'expérience avec, et ainsi, de tenir réellement compte de l’utilisateur animal, vers une nouvelle génération d’objets et de services.

Références bibliographiques

Blake, S., Williams, R., & Ferro de Godoy, R. (2019). A systematic review of the biomechanical effects of harness and head-collar use in dogs. bioRxiv. [Article non publié, prépublication].


Lafuente, M. P., Sampedro, M. F., Armengou, L. V., & Padró, G. C. (2018). Effects of restrictive and non-restrictive harnesses on shoulder extension in dogs at walk and trot. The Veterinary Record, 182(10), 284.


Levin, I. P., & Gaeth, G. J. (1988). How consumers are affected by the framing of attribute information before and after consuming the product. Journal of Consumer Research, 15(3), 374–378.


Mancini, C. (s. d.). Animal-Computer Interaction Lab. The Open University. Consulté le 20 octobre 2025 à l'adresse : https://www.open.ac.uk/blogs/ACI/


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